Y'a plus de saisons!!!

"Ah ma pauvre dame, le temps c'est plus ce que c'était!", "on ne sait plus comment s'habiller", "un temps pareil, on n'a jamais vu ça!", "avant on avait des vrais hivers"... Petit florilège de toutes ces phrases plates que les gens se sentent obligés de prononcer quand ils parlent du climat.

Le Parisien, jamais content, trouve qu'on a toujours des étés pourris, froids, pluvieux et déprimants, à Paris. Quand subitement le thermomètre s'emballe, à ce moment-là il fait trop chaud, c'est pas supportable. On ne peut pas dormir, y'a pas d'air à Paris et dans les transports c'est la fournaise! Pendant les trois jours que va durer cette"canicule" il ne pourra rien faire, il ne sera absolument pas opérationnel, son organisme n'est pas à adapter. Par contre, dès qu'il aura 30 minutes de pause déjeuner, il ira s'allonger à moitié nu sur les bords de Seine ou sur un timbre poste d'herbe dans un parc. Quitte à avoir chaud autant être bronzé!

L'hiver, il reste coincé dans sa voiture parce que d'un coup il se met à neiger! Bah merde alors, de la neige en hiver! Il râle de devoir mettre un bonnet qui lui applatit les cheveux, d'avoir la goutte au nez et trop chaud quand il rentre dans les rames du métro parce qu'il est trop couvert! De mauvaise foi, il va se plaindre aussi quand il n'y aura pas de neige, et qu'il ne fera pas froid parce que c'est pas vraiment l'hiver, à coup sûr c'est le réchauffement climatique, le temps est détraqué. Mais il va râler parce qu'il a froid quand même, parce qu'il a déjà oublié que l'année précédente il avait eu encore plus froid.

Et les média, Parisiens eux aussi, vont conforter le Parisien dans sa certitude que le climat n'est pas ce qu'il devrait être, en lui affirmant après des heures de recherches Wikipédia, que c'est l'hiver le plus chaud depuis la bataille de Fontenoy mais qu'il n'a jamais neigé autant dans Les Alpes depuis qu'elles existent. Va comprendre. Et qu'à -5°C, il fait froid, froid, froid, froid, glagla, alors il faut bien se couvrir!

Par contre le printemps et l'automne laissent le Parisien incertain, car il ne sait pas bien quel temps il est censé faire durant ces deux saisons! L'automne, il n'aime pas, synonyme de rentrée, fin des vacances, écoles, tout ça! Beurk! Mais dans un reste de candeur juvénile, il espère quand même avoir droit à un été indien, pour pouvoir se prélasser encore en terrasse, et sur timbre poste herbeux!

Le printemps, c'est compliqué, il aurait envie de l'aimer, les feuilles aux arbres, les fleurs qui poussent, bientôt l'été. Mais en même temps, il est super concentré, car de mars à juin, le Parisien traque les signes qui lui assureront de savoir le temps de l'été prochain. Printemps pluvieux, c'est sûr que l'été qui suit sera P-O-U-R-R-I. Au contraire, s'il est plus chaud qu'ordinaire, il va cuire au mois d'août! En même temps, il s'en fout car au mois d'août, le Parisien, il n'est pas à Paris! Y'a pas de saisons! Pourtant il y a un rythme assez cyclique dans les commentaires sur l'absence de saisons.

Bien sûr, je stymatise en disant Parisien, pour ce qui serait plus juste d'appeler Francilien. Et bien sûr que je caricature, ils ne sont pas tous à moitié-nu sur les quais! Mais après la conversation édifiante dont j'ai eu la chance, à mon corps défendant, d'être témoin dans le train entre deux dames allant sur Paris depuis Meaux, je crois que ma description n'est pas si éloignée que cela de la réalité!

Peut-être que "c'est la peur du temps qui passe qui fait tant parlé du temps qu'il fait" comme le disait Hipolito le poète dans Amélie Poulain ou peut-être que c'est parce que notre société est devenue tellement politiquement correct, qu'il devient difficile de parler d'autre chose que du temps? Je ne sais pas, mais de voir et d'entendre surtout, ces femmes enchaîner les banalités sur le fond de l'air et l'absence de saison, m'a donné envie de regarder les saisons passer, car elles existent encore, mais serez-vous les reconnaître?!