Istanbul

Publié le par cecinestpasunblogsurmavieaucanada

Istanbul, ou Constantinople ou Byzance peu importe le nom qu'elle a pris, est une ville hors du commun, une de ces villes cosmopolites qui fascinent les hommes depuis des siècles, une de ces villes pour lesquelles ont fait des guerres, devant lesquelles on met en place de longs sièges, que l'on met à sac afin de s'en rendre possesseur. Mais Istanbul est une reine qui ne connait qu'un seul maître: dieu. Ce sont les différents dieux célébrés au sein de ses murs qui lui donneront son identité au fil des siècles, d'abord grecque, elle se nomme Byzance et a un panthéon divin bien fourni. Puis, elle épouse le Christiannisme et se pare de dômes et d'icônes. Enfin, mulsulmane, elle recouvre ses icônes, encadre les dômes de minarets et laisse sa vie être bercée par les appels à la prière.

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Comme Rome, sa grande rivale, Istanbul a été bâtie sur 7 collines, comme Rome elle a été le centre religieux d'une partie de la Chrétienté, comme Rome elle a abrité la plus grande église du monde et comme Rome elle possède ce charme d'anciennes gloires, mélange de mélancolie, de décadence et de fierté. Se ballader dans Istanbul, ce n'est pas faire un bond dans le passé, car le présent est partout sur les devantures des magasins, dans les tenues des Stambouliotes, dans la présence massive des touristes, ce n'est en rien une ville-musée, leur découverte de la muséification est récente, tout comme la mise en valeur de leur patrimoine. 

 

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En plus de ces richesses historiques multiples, Istanbul est la seule ville au monde à se trouver sur deux continents, elle est à cheval en Europe et Asie, entre Occident et Orient, deux terres reliées depuis quelques années par un pont transcontinental, expression étrange qui laisse à imaginer un édifice gigantesque qui enjamberait un océan. Cette position stratégique est à l'origine de la convoitise qu'elle a fait naître chez tous les peuples qui l'ont conquise. Et c'est aussi la clé pour comprendre cette ville, comprendre qu'elle est le résultat d'un brassage de cultures, d'identités et de destinés différentes. Même si aujourd'hui cela est moins visible, avec le fort exode rural et la poussée xénophobe des années 1950, Istanbul est une ville beaucoup moins cosmopolite qu'elle ne l'était au XIXe siècle, mais ses universités attirent de plus en plus d'étudiants venus du monde entier.

 

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Voilà pour le topo général sur Istanbul. Rentrons dans le coeur du sujet, dans le ressenti. Le risque à se rendre dans un endroit qu'on rêve de voir, c'est d'être déçu. Le risque à quitter un Paris pluvieux pour les portes de l'orient, c'est de ne pouvoir supporter l'excès de chaleur. Le risque à entrer dans Sainte Sophie c'est de ne plus jamais être émue par une autre église. 

Je n'étais pas déçue dans la mesure où j'avais désespérement besoin de partir, n'importe où mais partir, du mouvement, attendre un avion, prendre un train, monter dans un bus, arpenter à en avoir des cors aux pieds des kilométres de trottoirs, peu importe mais partir. Bon, certes, si j'étais partie à Melun, je ne pense pas que le dépaysement eu été si réussi! J'ai étudié Constantinople à la fac, ma fascination vient de là, bien sûr, la Constantinople médiévale n'existe plus, mais finalement ce n'est pas tant la ville physqiue qui m'a fasciné que toutes les projections que j'ai sorties de mon imagination en entendant: empereurs, mosaïques, orient, Bosphore, Ste Sophie, etc. L'Istanbul que j'imaginais n'existe pas, ou n'existe plus mais je le savais avant de partir, alors je n'ai pas été déçue et ma Constantinople imaginaire reste toujours intacte dans un coin de ma tête! Un de mes rêves aurait été de voir Bagdad au Xe siècle, aucun risque que je me rende en Irak, il ne reste plus rien de la ville ancienne de Bagdad, alors je ne peux que l'imaginer en lisant les Mille et une nuits!

 

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Il est difficile d'être déçue par les splendeurs du palais de Topkapi, par ses dédales de cours, de couloirs, de pièces plus somptueuses les unes que les autres, par les jardins, les kiosques, les terrasses. Topkapi était une ville dans la ville, un édifice à la hauteur de la puissance de l'empire ottoman. A mon sens, la partie la plus intéressante est le harem, puisqu'il est le plus évocateur de l'Orient et de sa mysogynie, ce lieu interdit de tous sauf d'un, qui a tant titillé l'imagination des artistes du XIXe siècle. Lieu de débauche où les femmes se promènent à moitié nues autour du sultan et sous la bonne garde d'un eunuque d'origine nubienne!! Il faut arrêter de regarder Angélique et le sultan!! Le harem signifie "interdit aux hommes", il désigne l'endroit où logent les concubines du sultan et toutes les femmes qui sont à leurs service, mais aussi la mère du sultan qui est à la tête du harem, ainsi que ses soeurs et ses filles. Selon les époques et les sultans en place, le harem oscille entre les fonctions de simple chambre de reproduction et de production de descendants mâles, ou d'antichambre du pouvoir.

 

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 Il était bon de se promener dans ce labyrinthe, passer de la fraicheur des pièces aux murs de carrelages, à la torpeur des cours ensoleillées, de passer toutes les portes sculptées pour finalement arriver au saint des saints, la chambre du sultan!

 

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La chambre est une merveille de mosaïques, de faïences d'Iznir et de plafonds peints, mélangeant les bleus, les rouges et les ors.  On reste sous le charme, tout à fait impressionné, beaucoup moins que les jeunes femmes que l'on menait là afin qu'elles y accomplissent un devoir qu'elles n'avaient jamais souhaité!

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Comment être déçue par le Bosphore, par ce bras d'eau entre deux continents, entre deux mers, la mer de Marmara au Sud et la mer Noire au Nord. On ne peut pas être déçue par toutes ces magnifiques demeures en bois, par les palais de pierre qui président depuis des isècles, pour certaines, à la bonne marche des milliers de bateaux qui passent d'une mer à l'autre. On ne peut être qu'impressionnée, même si cela semble ridicule car ce n'est qu'un pont et qu'on en a vu tant d'autres, oui mais celui-ci est transcontinental, celui-ci est la porte de l'Asie, il est une main tendue, un symbole magnifique d'ouverture, bien qu'il relie les deux rives d'un même pays.

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Comment être déçue par le vent qui vient du large et qui rafraîchit nos épidermes brûlées par le chaud soleil, le vol des mouettes tout près du bateau jouant avec les courants d'air. Par contre, on peut être surprise et peut-être peinée, même un peu révoltée de voir les femmes sous les voiles noirs, de les voir endurer les chaleur sous d'épais manteau, mais tout cela avec le sourire (pour celles dont on peut voir le visage), comme si cette prison textile avait fini par les rendre heureuses.

 

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Comment on peut s'habituer à voir les femmes ainsi réduites à l'état d'ombre? C'est étrange de voir les enfant parler à ces êtres sans visages, ces spectres qui sont aussi des mères. Avec quelle image de la femme grandit-on quand toute son enfance on les a vu ainsi dans les rues? Comment appréhende-t-on de passer de l'état de petite fille aux cheveux emmêlés par le vent à celui ambivalent d'une femme qui toute sa vie devra fuir les regards, ne pas faire naître la convoitise, mais qui tout de même voudra rester féminine et séduisante. Car sous les voiles, se cachent souvent des peaux fardées et des silhouettes coquettes.

Même par ça, je ne suis pas déçue. Mais j'attends encore la rencontre de celle qui m'a fait vouloir venir à Constantinople, Ste Sophie.

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