Ottawa, part.2

Publié le par cecinestpasunblogsurmavieaucanada

J’ai pris un immense plaisir à visiter le musée canadien des civilisations qui se situe à Gatineau (en face d’Ottawa, mais du côté québécois). C’est un très beau musée, bien pensé, qui appelle à la promenade, au vagabondage au sein de ses différents parcours thématiques. J’ai appris énormément de choses à propos du Canada. La plus importante et la première qui s’impose, c’est la dimension plurielle du mot « civilisation ».

 

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De part, son appartenance au Commonwealth, sa structure politique fédérale et ses racines autochtones, le Canada est un éclatement de populations, d’histoires, de passés et de présents. Ce musée tente de montrer toute l’étendue de cette diversité.

La plus grande partie du musée est consacrée aux Premiers Peuples, aux autochtones, aux possesseurs originels de cette terre, qu’ils s’agissent d’Amérindiens ou d’Inuits. On apprendre à connaître ces peuples mésestimés, bafoués durant des siècles, que les Européens et les Canadiens ont tenté de rééduquer, quand ils ne les ont pas tout simplement massacrés.

 

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On découvre ce qu’ils étaient, leur mode de vie, la richesse de leurs sociétés, et de leurs arts lors de la confrontation avec les Européens et même bien avant, puisqu’une partie est consacrée à la préhistoire. Et comment aujourd’hui leurs descendants tentent de concilier leur nationalité canadienne avec leur héritage, leur religion et leur culture ancestraux. Il y a de nombreux témoignages de Canadiens issus de ces minorités, dans certains on ressent de la frustration, de la colère aussi envers ces Canadiens d’Europe, si on peut dire, envers ceux qui les ont dépossédés, envers ceux aussi qui d’une certaine manière saccagent leurs terres. La plupart des Autochtones, en tout cas, ceux qui sont restés très proche de leurs racines, ont un rapport symbiotique avec la nature, ils ont conscience de n’être qu’une partie d’un tout, et de devoir respecter toutes les autres parties pour que le tout vive.

 

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J’ai noté cet extrait d’un ouvrage consacré aux « Dépossédés ». Il est très fort et exprime clairement que le contentieux qui existe depuis 7 générations entre les Autochtones et les Blancs (pour faire plus simple) ne sera jamais réglé.

 

« Cela fait 7 vies que les premiers Européens sont arrivés sur les côtes de l’Amérique du Nord. Nos ancêtres, bien sûr, vivaient ici depuis des milliers d’années. Mais dès ce premier contact, des évènements extraordinaires ont commencé à se produire parmi nous.

Cette rencontre a déclenché une onde de choc qui a été ressentie par les Amérindiens partout sur le continent. Et elle l’est encore aujourd’hui. »

Tomson Highway, The Dispossessed de Geoffrey York

 

Après les collections consacrées aux Premiers Peuples, j’ai visité l’exposition intitulé « L’histoire du Canada », au sein des différentes salles, il n’est jamais mention des Premiers Peuples... On dit souvent que l’histoire est écrite par les vainqueurs, peut-être d’abord juste par ceux qui ont une culture de l’écrit ! L’histoire du Canada, en tant que Canada est marquée par les relations avec l’Europe, car c’est l’Europe qui va créer cette entité canadienne. Au fil de salles aux décors théâtraux en carton-pâte, on croise des Vikings, des Français, des Anglais (maudits Anglais), des trappeurs, des moines et des bonnes sœurs, des constructeurs de chemin de fer, des insurgés et des loyalistes… On va dans des auberges, des petites rues très frenchies, des cabanes (au Canada forcément !) dans les bois, des villes du XIXe siècle et une salle d’attente d’aéroport au milieu des sixties… C’est très agréable de revisiter l’histoire de manière aussi visuelle et la muséographie n’est pas en reste, car de nombreux panonceaux jalonnent le parcours. C’est une manière très ludique de voir l’histoire, peut-être même trop, par moment on oublie l’aspect historique pour ne s’amuser que des décors, comme on pourrait le faire à Disney.

 

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Il faudrait des jours entiers pour tout voir de ce musée, tant les collections sont riches et intéressantes. J’ai pris plaisir c’est vrai à le visiter, en ressortant, j’étais complètement séduite, conquise par lui, ça m’a même fait oublier la pluie et mes 3$ dépensés pour rien dans l’achat du plus fragile des parapluies. Puis un malaise m’a saisi, cette absence de mention des Autochtones dans la partie « histoire du Canada », cette séparation distincte, c’est comme leur renier le droit de faire partie de cette nation. Mais ont-ils envie de faire partie de l’histoire d’une nation qui a voulu les faire disparaître, veulent-ils encore, même si ce n’est qu’au sein d’un musée, être assimilés aux Canadiens ?

Ce musée pose de vraies questions sur le sens de l’identité, et de la réconciliation possible ou non des membres d’une même nation après des traumatismes séculaires. Ce musée cherche c’est évident à dédouaner l’Etat canadien des fautes inadmissibles du passé, à mettre en valeur les peuples autochtones, mais il ne fait pas l’erreur de mettre tout le monde dans un grand sac qui s’appellerait Canada, où on aurait fait fi des vieilles dissensions, ce que sur le coup je n’avais pas compris. Il y aura toujours un fossé entre les descendants des Européens et ceux des Premiers Peuples, on n’effacera jamais le fait que les premiers ont voulu assimilé, jusqu’à l’aliénation de toute identité propre, les seconds, l’onde de choc ne se résorbera pas de sitôt. Je crois que l’Etat canadien se devait dans sa capitale (juste en face) de donner une place importante et sans tutelle, aux Premiers Peuples. C’est joliment fait.


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