De l'importance du catholicisme dans l'expansion viticole

Publié le par cecinestpasunblogsurmavieaucanada

Cela pourrait être le titre d'une thèse très sérieuse d'histoire-culturelle, avec pour maître de recherche le très estimable ancien recteur de la Sorbonne M. Pitte, Jean-Robert de son prénom. Cela doit réellement être le thème d'une thèse de doctorat.

Si cela avait été ma thèse (ce qui induirait de ne pas avoir abandonnée la fac quand ça pouvait devenir intéressant par peur de ne pas être capable de faire des recherches et de rédiger un mémoire), donc si cela avait été mon sujet, je l'aurai intitulé Ceci est mon sang avec en sous-titre De l'importance du catholicisme dans l'expansion viticole. J'adore les titres pompeux qui commence par De, cela fait tellement De l'esprit des lois de Montesquieu (qui lui aussi est né en pays viticole), ça donne une assise intellectuelle au texte qui suit. J'aurai aussi pu la nommer De l'esprit de vin, mais c'était pousser le bouchon un peu loin!

 

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Ceci est mon sang, c'est mieux, ça fait plus polar que pochetron. Tout part de cette phrase prononcée par un Nazaréen ("Nintendo tu sais l'écrire, mais Jésus le Nazaréen"! Certains apprécieront cette référence à un fim de genre!) qui après un dîner avec 12 potes érigea le vampirisme et le cannibalisme en religion!  (Heureusement que ce blog n'est lu que par peu de personnes, et seulement des personnes intelligentes car en ces temps où humour et religion ne font pas bon ménage, je ne souhaite pas voir ma fenêtre être soufflée par un cocktail Molotov. Des cocktails qui ne se boivent pas, quel intérêt?! Humour et religion, voilà un cocktail surprenant sur lequel il faudrait se pencher: De l'esprit et du calice, De l'humour sous le voile! Pas sûre...) Depuis cet agape donc, les disciples se répandirent de par le monde pour porter cette bonne parole, ils érigèrent des églises, des monastères, des abbayes et plantèrent sur les terres avoisinantes des ceps de vigne. Dans certains endroits ils ont replanté des vignes là où il en existait déjà du temps des Romains, il faut quand même rendre à César ce qui lui appartient (on sait pourquoi il a mis le siège à Alésia, pile entre la Champagne et la Bourgogne! "Prends ton temps Vercin'! Nous aussi on s'en verse un!!" Je suis très fière de ce jeu de mots, il me fait rire depuis 10 minutes!)

 

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Si c'était ma thèse, je m'installerai pour réaliser mes recherches sur les côteaux de Nuit. Nuit-St-Georges, les Côtes de Nuit, les Hautes Côtes de Nuit, ce sont à mes oreilles les plus beaux noms de vignobles. Se dire en dégustant du vin que l'on boit la Nuit c'est plutôt poétique, non? Je me baladerai entre les rangées de pieds de vignes tordus et tourmentés, je sous-pèserai les grappes charnues qui attendent patiemment d'être pressées. Je ferai rouler entre mes doigts les cailloux qui composent cette terre sainte, cette terre si précieuse qu'on enclose (est-ce la terre que l'on protège de murs ou bien les vignes elles-même? Quel est le plus indispensable? Sans vignes pas de vin, mais sans terre adéquate pas de vignes!), cette terre si précieuse qu'on ramasse le long des routes au pied des champs quand les pluies diluviennes l'ont fait raviner.

 

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Gevrey-Chambertin, Clos-Vougeot, Romanée-Conti, Vosnes-Romanée, Chassagne-Montrachet, Puligny-Montrachet, Pouilly-Fumé, Côtes de Beaune 1e cru, Meursault Goutte d'or... Voilà une liste qui met l'eau à la bouche! Je préfère les Bourgognes, pas seulement pour leur couleur vermillon et leur goût léger et fruité, mais aussi pour leurs noms qui sonnent encore un peu Ancien Régime. Des noms qui peuvent en remontrer aux Château-Margaux, Mouton-Rothschild, Lafite-Rothschild, Château-Yquem, Château Léoville Las Cases...

Je suis tombée amoureuse du vin en écoutant Louis de Funès dans L'aile ou la cuisse parler d'un St Julien:

 

"Belle robe vermeille, un peu violette, bel éclat. C'est un bordeaux, un grand bordeaux. Un peu de pourriture noble en suspension, ces impuretés descendent lentement. Ce vin a 23 ans, c'est un 53, une très grande année. Le vin, c'est la terre, celle-ci est légèrement graveleuse, c'est un médoc. Le vin, c'est aussi le soleil. Ce vin a profité d'une belle exposition sud-ouest, sur un coteau de bonne pente. C'est un saint-julien, Château Léoville Las Cases 1953."

 

Je me disais que des gens comme son personnage, avec cette connaissance, existaient, que c'était tout simplement extradordinaire de pouvoir reconnaître un vin rien qu'à sa robe, savoir son cépage, son année en humant son bouquet. J'aime les gens qui parlent du vin avec science et amour, je ne trouve cela ni pompeux ni hautain, juste beau et tellement élégant.

 

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Plus que du vin c'est de la langue que je suis tombée amoureuse, de cette langue étrangère. Parler du vin c'est parer son langage des plus beaux attributs pour ne pas qu'ils dépareillent avec ce que nos yeux contemplent, c'est préparer sa langue à la rencontre qui l'attend, c'est mettre tous ses sens en bouche. Et avoir les capacités, les connaissances nécessaires pour parler ainsi c'est s'intéresser à la terre rocailleuse et à son explosition au soleil; c'est s'intéresser au chêne des fûts, à la lenteur de la vinification et à l'équilibre de l'assemblage; s'intéresser aux hommes qui dorlotent ces vignes, admirer le travail et la dévotion aux vignes.

 

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Mais comme ma thèse ne concernerait pas que le vin, il me faudrait aussi aller déambuler sous les croisées d'ogive des abbayes. Là où des hommes en robe (des champs) ont, des siècles durant, travaillé la terre pour en tirer de quoi subvenir à leurs besoins terrestres, comme le veut la régle de St Benoît. En Bourgogne, les abbayes de Cluny et de Citeaux sont les premières à s'établir aux Xe et XIe siècle, elles sont toutes deux des communaités bénédictines (qui suivent la règle de St Benoît), mais Citeaux va développer sa propre règle de vie monacale, l'ordre cistercien. Sous l'influence de Bernard de Clairvaux, l'ordre cistercien va se répandre partout en Europe. Sans rentrer dans les détails des règles monacales, il faut juste savoir que les cisterciens avaient pour mots d'ordre: isolement, pauvreté, travail manuel, autarcie. 

 

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Les abbayes Mère (Cluny et Citeaux) ont engendré des abbayes Filles et Petites-Filles, comme celle de Fontenay, fondée en 1118. De nombreux bâtiments du XIIe siècle ont été incendiés et reconstruits au fil des siècles, mais l'église abbatiale, elle, est d'origine. Elle a la simplicité, l'austérité cisterciennes exigées par le dogme, son architecture romane basse et massive rapproche de Dieu sans écraser le fidèle du poids de la magnificence. Ses murs de pierres et son sol en terre battue donnent l'impression d'être dans une salle de garde d'un quelconque château-fort de province. Et ses arches, ses pilliers, la blancheur des pierres, le dépouillement ont un rien de mauresque, très blasphématoire!

 

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Regarder le soleil jouer avec les arches du cloître. Admirer ces vieilles pierres d'un autre âge. Imaginer les moines passant à pas comptés à l'appel de la cloche. Imaginer le silence qui n'est plus et ne sera plus jamais, car notre époque est trop bruyante. Fanstasmer l'écho des chants lithurgiques qui résonne sur la pierre froide et combat l'immensité ténébreuse de la nuit.

Je ne crois pas avoir jamais cru en Dieu. Mais j'aime les lieux qui lui sont consacrés, enfin, j'aime les lieux anciens, car la foi est une chose ancienne. Le verbe Croire ne se conjugue pas très bien aux temps présents.


 

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Ainsi de pieds de vignes en vieilles pierres tout en suivant la D974, on peut remonter des temps médiévaux (et non pas moyenâgeux. Moyenâgeux est un terme péjoratif. On dira "Voiler une femme est une pratique moyenâgeuse" mais "Le château-fort est un type de construction médiévale") jusqu'à nos jours, pour s'apercevoir que les ouvriers agricoles ont remplacé les moines aux travaux des champs et que rares sont les abbayes où déambulent encore des ombres encapuchonnées. Et si une grande vadrouille nous menait jusqu'aux hospices de Beaune, le troisième dimanche de novembre, lors des ventes aux enchères à la bougie des grands crus de Bourgogne, on constaterait que la côte du vin de messe a bien augmenté et que le voeu de pauvreté des cisterciens est un lointain souvenir.

 

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Si je faisais une thèse, il faudrait surtout que je m'enclose entre les rayonnages des bibliothèques et des services d'archives, que je compulse des milliers de pages poussiéreuses, que je lise des registres abbatiaux édifiants, que je supporte la mauvaise humeur de bibliothécaires en manque d'action et la mise sous pression de Jean-Robert à l'approche de la date de rendu... Finalement, je ne vais pas faire de thèse, je n'aime vraiment pas les bibliothèques!

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